Connection

Blog de la Mission Sismaoré

Zoom sur le flux de chaleur

Je vous ai déjà parlé en long et en large des carottages. Nous avons vu ensemble comment ils étaient utilisés et analysés.
Cependant, sur certains d’entre eux, nous avons placé des sondes thermiques dont je ne vous ai pas encore parlé.

1. Le gradient de température

Ces sondes possèdent 2 capteurs thermiques permettant de mesurer la température au millième de degrés. Elles sont fixées sur le carottier grâce à un support directement soudé sur celui-ci.

JPEG - 301.6 kio

En tout, quatre sondes sont fixées sur le carottier, avec un espacement de 1.8m. Leur rôle va être de mesurer le gradient de température dans le sédiment lorsque le carottier va s’y enfoncer.

Peut être que certains d’entre vous ont déjà eu la chance de visiter une ancienne mine (par exemple de charbon ou d’argent). Si ce n’est pas le cas, peut-être vos enseignants d’histoire-géographie ou de SVT vous ont-ils parlé des conditions de travail dans les mines de charbon. Ce sont des endroits où il fait très chaud. Et plus vous descendez en profondeur, plus la température augmente. Ce phénomène est dû au gradient thermique de la planète. En théorie, celui-ci est de 30°C/km. A chaque kilomètre parcouru en direction du centre de la Terre, la température augmente de 30°C.

Ainsi, lorsque le carottier va s’enfoncer dans le sédiment pour réaliser la carotte, les sondes vont pénétrer également le sédiment. Le thermomètre le plus profond devrait donc mesurer une température légèrement (légèrement car les espacements entre les sondes sont peu élevés) plus élevée qu’un thermomètre moins profond.
L’objectif étant évidemment de vérifier si oui ou non le gradient géothermique à cet endroit est plus élevé ou non que le gradient théorique.

Une fois les données reçues, nous allons pouvoir obtenir ce genre de mesure sur ordinateur. Ces données ont été récoltées à proximité de Madagascar en 2016.

JPEG - 343.7 kio

Le graphique à gauche représente l’enregistrement direct des sondes lors de leur entrée dans le sédiment. La première partie du graphique (entourée en noir) montre une diminution de la température. En fait, lors de la descente à travers le sédiment, les frottements ont échauffé les sondes. Il faut donc les laisser revenir à une température ambiante correspondante à celle du sédiment (En jaune).
Le graphique à droite représente le gradient géothermique après traitement des données. On peut voir que les températures mesurées s’alignent sur une seule droite d’équation y=ax+b. La pente (a) de la droite nous donnera le gradient géothermique.
Ici, il est de 41.1°C/km (entouré en bleu).

2. La conductivité thermique

Un autre paramètre que nous pouvons mesurer dans les carottes est la conductivité thermique. C’est-à-dire la capacité du sédiment à conduire la chaleur. Elle s’exprime en W/m/K où W représente les watts et K le degré kelvin.
Pour réaliser cette mesure, nous devons insérer une aiguille chauffante dans le sédiment.

JPEG - 220.8 kio

Celle-ci va chauffer le matériel qui l’entoure pendant 150 secondes. Grâce à des capteurs, nous allons pouvoir mesurer la capacité du sédiment à conduire la chaleur.
Dans les roches océaniques, la conductivité moyenne oscille entre 0.7 et 1.2 W/m/K.

3. Le flux de chaleur

Le calcul des flux de chaleur est basé sur la loi de Fourier de conduction thermique :
Q = K.dT/dz où K représente la conductivité et dT/dz représente le gradient géothermique.

La conduction est la capacité d’un corps à transporter la chaleur sans mouvement de matière.

La mesure des flux de chaleur a permis de montrer des anomalies de chaleur partout dans le monde. Par exemple au niveau des dorsales océaniques.
Elle montre qu’au niveau de la dorsale, la lithosphère est très fine et très chaude et que plus nous nous éloignons de celle-ci, plus elle se refroidit et s’épaissit. C’est un des phénomènes qui participe à la mise en place des zones de subduction.
Sur la première image, ce flux est indiqué par le cercle rouge.

JPEG - 233 kio

Logiquement, vous devriez me faire remarquer qu’il n’y a pas de dorsales océaniques au niveau de l’archipel des Comores. Alors à quoi peut bien servir la mesure des flux de chaleur ici ?
Les objectifs sont nombreux mais globalement, nous espérons que cette mesure permettra de nous aider à discriminer la nature de la croûte. De plus, puisque nous mesurons des anomalies de chaleur, elle peut aussi nous aider à identifier des signatures d’épisodes magmatiques récents.

Partager cet article
Auteur : Jocelyn Jacquot
publié le samedi 16 janvier 2021