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Blog de la Mission Sismaoré

L’équipe d’observateurs des mammifères marins

Merci beaucoup à Alessandra Suardi pour sa gentillesse, ses explications, et son aimable participation à cet article en fournissant certains schémas ainsi que les bandes sons. Merci également à Virginie Wyss, Justine Ngosso Macky, Dinis Geraldes, Ludivine Martinez et Cécile Ducatel pour tous les échanges que nous avons pu avoir au cours de la mission.


Les instruments d’émission, les canons à air, utilisés lors des acquisitions de sismique réflexion multi-traces peuvent avoir potentiellement un impact pour la faune marine. Afin de minimiser ces possibles impacts, une équipe de quatre observateurs des mammifères marins (MMO) est présente à bord. Leur objectif est d’assurer une surveillance acoustique et visuelle pendant les acquisitions sismiques effectuées lors de la campagne SISMAORE.
Ces observateurs sont des entrepreneurs indépendants recrutés par COHABYS [1] et l’IFREMER.

Alessandra SUARDI Virginie WYSS Dinis GERALDES Justine NGOSSO MACKY



Dans cet article les points suivants seront abordés :

  • Le protocole de mitigation
  • L’importance des sons dans l’eau pour les mammifères marins
  • La surveillance visuelle
  • La surveillance acoustique
  • Écouter chanter les mammifères marins !
  • Comment font les mammifères marins pour émettre et recevoir les sons ?
  • Collecter des données sur la mégafaune

    Le protocole de mitigation

Le mot mitigation désigne le fait d’adoucir, de modérer, de réduire les impacts sur la faune marine. Pour ce faire, un protocole de mitigation pour la conservation des mammifères marins est mis en place. L’équipe MMO/PAM veille à ce que ce dernier soit respecté et participe à son application lors des acquisitions de sismique. Ce protocole concerne l’ensemble des cétacés et les tortues marines.

Avant la mission, modélisations et études des risques sonores sont effectuées. En fonction de la zone géographique et du volume sonore de la source utilisée, les zones d’alerte et d’exclusion vont être définies.

La zone d’alerte est de 1500 mètres autour du navire pour les tortues et les mammifères marins. Si une espèce concernée entre dans ce périmètre, la vigilance est accrue et l’équipe technique se tient prête à éventuellement stopper l’acquisition sismique.

La zone d’exclusion est de 500 mètres autour du navire pour les mammifères marins et de 100 mètres autour du navire pour les tortues marines. En ce cas, l’acquisition est stoppée. Par la suite, le navire effectuera une giration pour reprendre le profil au point d’arrêt si aucune espèce ne se trouve dans la zone.

Avant de débuter l’acquisition sismique, une phase de pré-watch doit être observée pendant 30 à 60 minutes fonction des conditions. Si pendant cette période une observation d’une espèce concernée par le protocole est effectuée, le démarrage des tirs doit être reporté jusqu’à ce que 30 ou 60 minutes, en fonction des conditions, consécutives se soient écoulées sans observations pour passer à la deuxième phase.

La deuxième phase, appelée Soft-start ou ramp-up, est une phase où les tirs commencent doucement, crescendo. Le nombre de canons et la pression sont augmentés progressivement. Ainsi, le niveau sonore de l’antenne sismique augmente de manière progressive. Cette phase vise à alerter les espèces potentiellement présentes dans la zone d’étude. Si une espèce concernée est observée pendant cette période, le pré-watch reprend.

Puis, la troisième phase est celle de l’acquisition à plein régime. Si une espèce concernée est observée, les tirs cessent immédiatement. Le pré-watch reprendra lorsque les animaux détectés sont sortis de la zone d’exclusion ou ne sont plus observés par les MMO.


Détails du protocole

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Légende  :
MMO : Marine Mammals Observer
PAM.O : Passive Acoustic Monitoring Operator
BCO  : Bonne conditions d’observations : En période diurne, avec un état de mer inférieur ou égal à 3 Beaufort, et une zone d’exclusion entièrement visible.
COL : Conditions d’observation limites : l’observation visuelle est tout de même possible jusqu’à 5/6 Beaufort si la zone d’exclusion est dégagée. D’autres critères (état de mer, nébulosité, ...) conditionnent les conditions d’observation. Par conséquent, il revient au responsable de l’équipe MMOs de juger de l’état des conditions météorologiques permettant l’observation visuelle.




L’importance des sons dans l’eau pour les mammifères marins

En raison de la façon dont l’eau absorbe la lumière, la visibilité sous l’eau est en moyenne assez faible. Les mammifères marins vivent dans des conditions visuelles comparables à une brume perpétuelle. Le premier sens humain, la vue, est d’une efficacité limitée dans l’eau.

La vitesse de propagation rapide [2], et la faible baisse du signal causée par la distance, font des ondes sonores un moyen extrêmement efficace de communication pour les mammifères marins. Les sons sont extrêmement flexibles et peuvent être modulés de manière à ce que les informations transmises soient variées tant d’un point de vue de la longueur du message que de sa complexité.
Ainsi, dans l’environnement aquatique, la communication acoustique joue un rôle majeur.

L’ouïe est de loin le sens le plus développé chez les mammifères marins. Au cours de l’évolution, les organes qui émettent et produisent des sons se sont extrêmement complexifiés jusqu’à développer une fonction d’écholocation, de bio-sonar par exemple chez les cétacés.

Cette communication acoustique est cependant très couteuse en énergie pour les mammifères lors de la production des sons.
Il peut également y avoir des interférences, non seulement par des échos des messages précédents mais aussi par d’autres sons voyageant dans l’environnement comme les bruits et signaux produits par les technologies humaines pour naviguer, transmettre des informations ou encore par les acquisitions sismiques.

La surveillance des espèces concernées va se faire de manière visuelle et acoustique.





[1Cohabys est une cellule de transfert de technologie de l’ADERA, en partenariat avec l’Université de La Rochelle. Spécialisée dans les impacts des activités anthropiques sur le milieu marin, Cohabys est une interface entre le monde de la recherche et le monde socio-économique. Cohabys conseille et accompagne les porteurs de projet dans l’évaluation et la réduction de leurs impacts pour faire cohabiter développement économique, recherches scientifiques et préservation de la biodiversité.

[21500 m/sec soit 4,4 fois plus rapide que dans l’air, et cette vitesse augmente avec la pression, la température et la salinité

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Auteur : Paul Deparis
publié le vendredi 5 février 2021