Bonjour Antoine, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour, je suis Antoine BERLEMONT, second Capitaine à bord du Pourquoi pas ?. Je suis depuis une dizaine d’année chez Génavir. J’ai eu l’occasion de naviguer sur d’autres navires de la flotte comme : le Thalassa, l’Antea, l’Europe, l’Atalante. Je suis affecté au Pourquoi pas ? depuis le mois de mars 2020.
En quoi consiste le métier de second capitaine sur un navire ?
Comme son nom l’indique, son rôle est de seconder le commandant dans le fonctionnement du navire.
La première prérogative du second Capitaine est de la gestion d’équipe. Le commandant est le chef du navire, sur un navire océanographique il est l’interface entre la partie scientifique et le navire. Les scientifiques arrivent avec une mission à remplir, notre rôle c’est de se prononcer sur les capacités du navire, si le bateau est capable de faire telle chose techniquement et avec tel moyen humain. C’est le commandant et le chef de mission qui se mettent d’accord et moi en suppléance du commandant, je suis responsable d’une équipe de neuf matelots et aussi en charge du service ADSG [1] qui regroupe l’hôtellerie et la cuisine. Et donc je chapote ces services pour organiser le travail en fonction du déroulement de la mission.
La deuxième prérogative c’est la gestion de la sécurité du navire, des personnes et par élargissement du plan d’eau. Je vais être en charge de la maintenance de tous les équipements de sécurité. La sécurité à bord d’un navire regroupe les cas de figure suivant : l’incendie, l’assèchement en cas d’envahissement, l’abandon. Je vérifie que tout le matériel est disponible, entretenu. Je suis en charge aussi de la formation du personnel sur la sécurité. Un exercice de sécurité par semaine doit être prévu pour former le personnel en situation d’urgence.
Ce qu’on appelle la sécurité du plan d’eau, cela regroupe un ensemble de procédure pour éviter au maximum de polluer l’océan et l’atmosphère. Par exemple la gestion des eaux de ballaste [2] : on ne peut pas charger de l’eau à un point A, avec tous les microorganismes où les polluants qu’elle continent, et la déplacer à 3000 milles de distance pour la décharger à un point B qui viendrait perturber l’environnement local. J’ai à charge de respecter des critères. Pour les rejets alimentaires, c’est également moi qui suis à charge de vérifier que ces rejets puissent se faire dans des zones qui sont autorisées. De même pour les rejets atmosphériques je suis chargé de vérifier que l’on brûle bien les papiers et les cartons dans les endroits où il est autorisé de le faire.
La troisième prérogative c’est les soins. Le responsable des soins, c’est le commandant, mais par délégation, celui qui est en charge des soins c’est le second. Cela comprend la prise en charge de l’infirmerie, la gestion des stocks (pour rappel vous pouvez cliquer sur le lien suivant : [visiter l’infirmerie]
Y-a-t-il une journée type pour un second capitaine où est-ce de l’adaptation permanente ?
Il y a quand même une base fixe, on est officier de pont avec une partie conduite du navire qui est déclinée en prise de quarts à la passerelle. En fonction des navires cela peut varier.
Sur les autres navires, il y a deux quarts par jours ; généralement, le quart affecté au second capitaine c’est le 4-8 [3]. Ici, sur le Pourquoi pas ? j’ai un quart de décharge, un officier supplémentaire prenant le quart de l’après-midi.
Après, pour pouvoir manager les équipes et assurer l’entretien du navire et du matériel de sécurité, il y a du travail hors quart et chacun organise sa journée comme bon lui semble. Il faut aussi calculer qu’il faut être l’interlocuteur du Bosco [4], donc il faut caler les heures de travail avec lui pour qu’on puisse avoir des échanges. Il y a aussi des échanges avec la terre à avoir, notamment avec les services achats, les services techniques, donc il faut essayer de coordonner les horaires de travail avec les horaires de disponibilité des services techniques. Après il y a des moments où on est de toute façon en décalage avec les services techniques en métropole, comme par exemple quand on navigue dans l’océan Pacifique.
Quel a été ton parcours pour arriver au poste de second capitaine ?
J’ai fait un bac scientifique, puis j’ai suivi une prépa marine marchande « Les Rimains » qui prépare au concours d’entrée à l’école de la marine marchande. J’ai été reçu au concours puis j’ai intégré l’école du Havre. Maintenant le parcours à l’intérieur de l’école n’est plus le même, mais à l’époque cela se déclinait en deux phases. Une première phase en trois années à l’issu desquels l’on devenait officier de marine marchande au niveau opérationnel, cela regroupe les postes de lieutenant et de 3ème mécanicien. Après six mois de navigation en tant qu’officier, on retournait à l’école pour une année de formation et on sortait avec un diplôme d’officier de commandement cela donnait accès aux postes de second mécanicien et second capitaine et après commandant et chef mécanicien. Ainsi à la base on parlait d’un cursus de cinq ans qui se déroulait en deux étapes. Maintenant c’est toujours un cursus de cinq ans mais c’est plus en alternance. Les élèves alternent des périodes de cours et des périodes de navigation pendant les cinq années. Actuellement, l’école a vocation à former des marins aussi bien que des ingénieurs, elle s’ouvre au para-maritime et à tout le secteur maritime en général, elle ne forme plus exclusivement des marins.
Pendant le cursus de formation, on commence par le statut d’élève officier, si cela n’a pas changé c’est pendant 12 mois à l’issus desquels on passe officier. Moi, pendant cette phase là où j’étais élève officier, j’ai navigué sur des portes conteneurs chez CMA CGM sur les lignes Europe du Nord – Asie, c’était en 2004-2005, j’avais 19 ans. Après, pour voir autre chose, j’ai navigué sur des ferrys entre Calais et Douvres, pendant quatre mois.
Ainsi j’ai fait mes temps de navigations sur des portes conteneurs et sur des ferrys et j’ai fini mes temps d’élèves en arrivant chez Génavir et je suis passé officier chez Génavir. Puis d’officier à second capitaine. Cela se fait à l’ancienneté, il faut 720 jours de mer en tant qu’officier pour passer second capitaine. Au regard des autorités il faut un certain temps de navigation dans la fonction pour pouvoir acquérir le diplôme qui va donner accès à la fonction supérieur, mais cela ne veut pas dire que si on a le diplôme on va prendre la fonction par la suite, car cela dépend aussi de la disponibilité des postes au sein de la compagnie.
Quelles sont tes perspectives d’évolution professionnelle ? ce serait de devenir commandant ?
Avec mon ancienneté de navigation j’ai le brevet de second capitaine. Actuellement j’ai assez de temps de navigation, je remplis les conditions en tant que second capitaine pour demander mon brevet de capitaine de navire. Ainsi il faudrait que je le demande aux affaires maritimes. Donc potentiellement, en ayant ce brevet, je pourrais faire la fonction. Cependant, l’avancement est conditionné par la disponibilité des postes au sein de la compagnie. Après, par élargissement, je pourrai aller voir les disponibilités dans d’autres compagnies. En fait le brevet de marine marchande est très généraliste, on peut autant faire du porte conteneur que du vrac solide, du vrac liquide, des navires chimiques pétroliers que du ferry ou des navires scientifiques. Ce n’est pas cloisonné.
Comment vis-tu le fait d’être sur un navire scientifique, chez Génavir, par rapport aux autres expériences de navigation que tu as eues ?
Déjà, il y a une idéologie derrière, tu ne navigues pas pour un but lucratif. J’ai vu les cadences infernales sur les portes conteneurs où tu fais le tour du monde en un mois et demi avec des escales extrêmement courtes, de l’ordre de 7h, 12h à 20h maximum. Dès que le chargement était effectué c’est reparti dans l’autre sens. Donc finalement tu as fait le tour du monde mais tu n’en as pas vu grand-chose.
Ici, sur un navire scientifique, tu navigues pour créer des données, tu rencontres des gens, je trouve qu’il y a un but noble dans la navigation scientifique. Il y a aussi le fonctionnement du navire, par exemple quand tu arrives en escale, tu n’as pas d’impératif commerciaux. Il faut préparer le navire pour la mission suivante mais cela se fait dans des cadences supportables donc tu peux encore profiter des escales dans les pays accostés.
Il y a aussi surtout le côté humain, tu rencontres plein de monde de tous horizons, c’est génial ! Pour te donner une idée, j’ai navigué sur un porte conteneur qui faisait 300m de long, on était 22 membres d’équipage exclusivement composé de marins. Ici sur un bateau trois fois moins grand, on est près de 70 personnes. Ce n’est pas du tout les mêmes échanges sociaux.
Sur Génavir, ce qui rend le travail facile à faire c’est que c’est un équipage français, on arrive à travailler tous ensemble de façon intelligente, on est tous orienté vers le même but scientifique. Il n’y a pas de but commercial qui engendre une pression. Ça se passe bien. Mais il est des navires où s’est beaucoup plus compliqué, avec une ambiance totalement différente, tout étant porté sur le business. C’est pour cela que je n’ai pas continué sur les portes conteneurs.
Qu’est-ce qu’il faut aimer pour rentrer dans la marine ? Quelles compétences faut-il avoir pour exercer le métier de second capitaine ?
Pour rentrer dans la marine, il faut déjà avoir un sérieux intérêt pour la navigation et pour travailler sur l’eau. Il faut aussi avoir à l’esprit que c’est un choix de vie, c’est un éloignement, on est parti six mois de l’année. Par périodes de deux mois : deux mois en mer suivi de deux mois à terre. En mer, on travail 10 heures par jours, 7 jours sur 7, donc on fait rapidement le même nombre d’heures que quelqu’un qui travail 35 heures par semaine. La contrepartie c’est que pendant six mois de l’année tu es vraiment complètement à la maison. C’est vraiment un fonctionnement particulier, donc il faut être prêt à l’assumer.
Sur le poste de second capitaine particulièrement il faut être prêt à avaler des heures car les journées sont bien remplies, il faut être assez réactif car le boulot c’est de répondre à des situations qui changent en permanence. Il faut être polyvalent et adaptable. Et il y a aussi la partie gestion d’équipes, il faut savoir se positionner.
Qu’est-ce qui t’as donné envie de rentrer dans la marine ? de devenir officier de commandement ?
J’étais déjà très orienté biologie au collège et au lycée, j’adorais ça ! Et j’ai toujours navigué à la voile avec mes parents qui avaient un voilier. Donc assez rapidement je me projetais dans l’océanographie ou dans la biologie marine, je me voyais bien scientifique en mode commandant Cousteau ! Et puis j’ai rencontré en première ou en terminale un officier de marine marchande qui m’a expliqué ce qu’était son métier et qui m’a proposé de venir voir, il m’a embarqué à bord de son navire pendant deux jours. J’ai découvert son métier et j’ai accroché. Après, je me suis renseigné comment rentrer dans le cursus de formation et voilà.
Pour le métier d’officier de marine marchande c’est vraiment cette rencontre qui m’a mis le pied à l’étrier, après l’envi de travailler sur l’eau c’était la biologie et le fait d’avoir navigué déjà avant.
Un second capitaine seconde le commandant.
Il est responsable de la gestion d’équipe, en collaboration avec le Bosco.
Il gère également la sécurité du navire, des personnes et du plan d’eau.
Par délégation du commandant, il est également responsable des soins à bord.
Il faut être polyvalent, adaptable, travailleur, savoir se positionner.
Bac +5, entrée sur concours à l’école de la marine marchande.
Avec le choix de s’orienter vraiment vers la navigation où vers des secteurs d’ingénieries maritimes.
[1] Agent de service général
[2] Un ballast est un très gros réservoir d’eau de mer qui équipe certains navires. Il peut être rempli ou vidangé pour optimiser la stabilité du bateau
[3] de 4h à 8h et de 16h à 20h
[4] le Bosco est le maître d’équipage, cliquer sur le lien suivant pour rappel : relire l’article sur Mickael, le Bosco